Son sang a recouvert tous ses vêtements
recouvert le seuil de la maison
recouvert les murs du monde
son cycle mensuel a duré des années
il a recouvert de sang la face du soleil
seule la Méditerranée attend toujours la
lune
la fille a promis de l'épouser par une
nuit d'argent
la fille en sang a croisé ses doigts en
feu
assise sur un tapis de vent
mais la mer est la mer
le cycle de la Syrie est celui d'une lune
qui enfante
LA GUERRE DE L'AIR
Pas de tonnerre ni d'éclair dans le ciel
de Paris
aujourd'hui
parce que les avions et les fusées ont
déchiré la nuit syrienne
les pas du fils de ma voisine ne se sont
pas embrasés parce qu'un enfant damascène a trempé son doigt dans sa blessure
ce doigt a empêché le sang de couler
mais il a assassiné la distance
mais ceux dont les instants ont passé
comme le bruit du métro sur le gravier des tunnels
rien ne les a poussés au suicide sinon
les abîmes de désespoir de mon pays
la terre : une fenêtre
la guerre : de l'air
LE PLUS
BEAU DANS CETTE GUERRE C'EST JE NE SUIS PAS MORT
j'ai traversé la rue que ce fut beau
la vie c'était la main agitée par une
petite fille de l'autre côté
j'y ai lu ce que j'avais déjà vécu
ce n'était qu'un avant-goût de ce que
j'allais connaître
il est bon que personne n'ait pleuré cet
après-midi-là
personne ne
connaissait le gisant
sa
dépouille s'est évaporée
puis il est
devenu nuage entourant la caméra dans ma main
je n'ai pris que sa carte d'identité :
une balle a fait exploser sa tête
entre la balle et la caméra j'ai vu la
vie comme la robe longue de ma mère
cette robe
que j'agrippais quand j'étais petit
quand qu'elle voulait partir
qu'il est bon de te faire souffrir
je te détruis avant que tu ne m'élimines
chacun son
tour
tu as
détruit ma maison
j'ai dansé seul dans le dénuement
tu as coupé les pieds de mon frère
je lui ai acheté des chaussures à sa
taille
tu as pris mon ami
je t'ai regardé de mon regard de loup
alors que je marchais sur le fil
ne vis-tu que pour éliminer les autres
je ne vis
plus que pour t'éliminer
toi, la
mort
/
ce qui
s'est passé fut beau
ce que la
mort a fait dans cette guerre fut beau
mais le
plus beau c'est que je ne suis pas mort
que vaut le miroir sans l'oeil
que vaut la fin de la mort
si je suis mort
/
merci monsieur : mort
LA MORT LOIN DE LA MORT
Sais-tu quand l'odeur du café deviendra
un voyage vers la mer
où tu verras un châle suspendu à la corde
à linge prêt à s'envoler
sais-tu quand la rose abandonnée sur le
balcon deviendra une journée
de promenade
où le savon de la maisonnée, le parfum et
le net seront des rivières de chansons
le sais-tu?
Après une nuit d'affrontements où les
balles ont criblé les fenêtres de ta maison
tu attends
la mort
la mort est
partout
mais elle
ne vient pas
le 18 avril
à Homs
les fusils
ont ouvert leurs gueules embrasant la bouche des roses fraîchement écloses
cinquante mille en train de graver leurs
noms sur la pierre de la nuit
la mort
s'enroule autour de leurs doigts comme une potence
ils
bombardent le plafond de l'histoire avec leur lumière
et il
s'écroule sur leurs têtes
la mort est
partout
mais elle
ne vient pas
un pied sur une corde menant vers un
l'inconnu
l'autre dans l'abîme
mon jeune frère regarde comme la lune
brisée
la moitié de mon coeur entre ses yeux
et l'autre moitié sur la place de la
Liberté
Homs est un bout de l'enfer
une main referme la porte de la maison où
je viens de rentrer
l'autre est au milieu du massacre
l'odeur de la poudre se rapproche
et partout le sang et la mort
mais elle ne vient pas
un matin
les détails de la vie : la première pluie
de septembre
les gens
s'emparent des jours comme les pigeons les grains
ils n'ouvrent la bouche que pour entonner
des chansons oubliées
et fermer celles des fusils
Traduction : Lionel Donnadieu
No hay comentarios:
Publicar un comentario